Farine et huiles d’insectes : la potion magique de l’agriculture du futur

Vers, scarabées, mouches : les larves de ces insectes sont-elles l’avenir agricole de l’humanité ? Oui, à en croire les centaines de millions d’euros levés ces derniers mois par des start-up françaises spécialisées dans l'entomoculture, une nouvelle filière agro-industrielle en pleine éclosion.
  • Dans le cochon, tout est bon, selon le dicton. Avec les larves d’insectes, c’est pareil. Très nourrissantes et gavées de protéines, elles offrent d’excellentes performances nutritionnelles. D’ailleurs, dans la nature, elles constituent une source d’alimentation pour de nombreuses espèces animales. D’où l’idée d’industrialiser cette production. Le but : nourrir sainement les poissons, les volailles et les porcs qui finiront dans nos assiettes… Et par rebond, mieux sustenter les presque 10 milliards d’êtres humains en bout de chaîne alimentaire. Pour les biotechs françaises comme Innovafeed ou Ynsect, l’élevage d’insectes à grande échelle est “la” solution écologique par excellence qui répond à tous les critères de l’économie circulaire et du zéro déchet.

    20 000 larves collectés chaque seconde
    La culture d’insectes, comment ça marche ? “C’est très compliqué et très intense d’un point de vue technique”, de l’aveu même de Clément Ray, le patron d’Innovafeed. Son usine -la ferme, dans le jargon- qui vient d’ouvrir à Nesles dans les Hauts-de-France, est truffée de capteurs et tout y est automatisé. 20 000 œufs de bestioles sont collectés chaque seconde. Les larves sont nourries avec les résidus biologiques de l’amidonnerie toute proche. “On économise le déplacement de 12 000 camions par an”, se félicite le jeune patron de la start-up. Quand elles arrivent à maturité, bien grasses et bien dodues, les bébêtes sont tuées par choc de vapeur. 10% d’entre elles, environ, sont épargnées pour la reproduction. Tandis que les 90% de sacrifiées sont, elles, transformées en farine et en huile. La farine de protéines de larves est destinée aux poissons. L’huile sera consommée par les animaux d’élevage.

    Des déjections de larves dans votre potager
    Même les déjections des larves sont récupérées pour faire de l’engrais à destination des agriculteurs bio. D’ailleurs, les jardiniers en herbe trouveront prochainement ces excréments de larves conditionnés dans les magasins spécialisés. “100% des volumes sont valorisés”, s’enorgueillit Clément Ray. Pour faire fonctionner ce cycle, un peu gourmand en énergie, son usine récupère l’énergie fatale d’une centrale biomasse qui fournit en électricité l’amidonnerie voisine. CQFD.

    A quand le steak de mouche ?
    Sept insectes ont été autorisés par l'Union européenne pour l'alimentation des animaux d’élevage à condition d’être nourris avec des produits d'origine végétale. Ynsect, une autre startup française du secteur, a choisi d’élever le scarabée Tenebrio molitor. Les larves de ce coléoptère grégaire permettent de très gros volumes de production selon son patron. Mais elles ont besoin de deux mois pour arriver à maturité. Innovafeed, elle, a jeté son dévolu sur la larve de la mouche soldat noir, transformable en sept jours seulement. Son élevage permettra à terme à l’usine de Nesles de produire 1000 tonnes par an de farine, d’huile et d’engrais. En revanche, pour des questions de réglementation, déguster un steak d’insectes dans un restaurant ne sera pas possible tout de suite. Même si les services R&D de ces start-up s’y intéressent fortement et que certains ont déjà été cuisinés sur les paillasses. « Ils ont un goût de noisette assez satisfaisant », promet Clément Ray qui a pu en déguster en avant-première. On en salive d’avance.

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