

Jetez tous les engrais : cet octogénaire a inventé un fertilisant 100% naturel
Depuis plus de 40 ans, son produit permet aux cultivateurs de se passer de pesticides, limiter l’irrigation et réparer les terres usées par l’agriculture intensive. Et mieux encore : le Bactériosol pourrait aider à absorber le CO2...
2022 M04 22
Une potion magique. Voilà ce qu’a inventé Marcel Mézy, sauf qu’il n’est pas druide et ne vit pas en Armorique, mais dans l’Aveyron. De sa marmite, l’octogénaire a sorti un curieux fertilisant, c’est-à-dire une substance qui améliore la nutrition des plantes et des terres, nommé Bactériosol. Il agit à la fois comme un engrais et un amendement, mais à la différence de ces produits de synthèse, il est entièrement fabriqué à partir de produits naturels et renouvelables.
🧑🌾Aveyron : portrait de Marcel Mézy, paysan inventeur du #Bacteriosol 👉https://t.co/jawG6G5ngT @la_Sobac @F3Occitanie #agriculture
— France 3 Quercy-Rouergue (@France3QR) May 28, 2021
A la base, Marcel Mézy produisait ce mélange seul, chez lui, en récupérant « des champignons qui poussent sur les arbres » qu’il cultivait ensuite « sur du compost de fumier de cheval » comme il l’a raconté à France 3. Après des années à améliorer sa recette (qu’il garde secrète), le Bactériosol mélange pas moins d’une vingtaine de plantes et d’essences d'arbres.
100% naturel, pourquoi cela change tout ?
Parce que les engrais chimiques servant à booster le rendement des cultures utilisent principalement de l’azote, du phosphate et du potassium qui empoisonnent les eaux et déstructurent les sols. Alors que les bactéries naturelles de ce fertilisant sont inoffensives dans l’eau, ne changent pas l’acidité des sols (pH) et ne déséquilibrent pas la flore microbienne. Or, une terre saine, aérée par l’humus, emmagasine 10 fois mieux ses ressources en eau, ce qui réduit la nécessité de l’irriguer et lui garantit de mieux affronter les sécheresses.
En gros, « si vous mettez de l’engrais sur un caillou, au bout d’un moment, ça fait un trou » expliquait le bio-chimiste, tandis que « si vous y mettez des micro-organismes, dans le même temps ça fait une bosse parce qu’il se crée de la matière »
Offrir les produits de la terre à la Terre, on ne peut pas imaginer agriculture plus durable. Au point que Marcel Mazoyer, professeur émérite à AgroParisTech et ancien directeur de la FAO (branche de l’ONU dédiée à l’alimentation) a déclaré à propos du Bactériosol : « C’est la troisième révolution agricole ». Surtout, c’est l’œuvre de toute la vie de Michel Mézy.
Paysan et chercheur à la fois
Enfant, Michel raconte qu’il aimait « gratouiller sous les pierres, [ses] frères le prenaient pour un fou ». Cette curiosité et son don pour l’observation vont l’aider à déduire le fonctionnement des écosystèmes et la complémentarité des espèces. Dans les années 60, Michel Mézy devient représentant pour les produits d’agriculture biologique Lemaire. En parallèle, celui qui se définit comme "paysan-chercheur" expérimente sa propre mixture en comme une alternative aux pesticides et engrais.
« Selon son site, le Bactériosol permettrait à la terre de stocker 10 à 40 tonnes de plus de gaz à effet de serre par hectare. »
Un sacré pied-de-nez à ceux qui voyaient en lui un charlatan : « En 2003, se souvient-il désormais, je suis allé au tribunal parce qu'on croyait que je vendais du vent ». Plutôt que de rendre publique sa recette, il ouvre en 2015 un laboratoire de recherche. Les ingénieurs agronomes qu’il embauche vont demander un séquençage ADN à l’INRA pour identifier les micro-organismes présents dans le Bacteriosol. A cette occasion, Sobac découvre que leur produit miracle « possède différentes applications super intéressantes notamment dans la lutte biologique, la décontamination des sols, la production sur sols salés » comme résume Chloé Pizzuto qui dirige le laboratoire.
Les Avengers du bio
Labellisé par la fondation Solar Impulse, et membre du club ADEME, Sobac aide les paysans à vivre de leur travail en augmentant leur marge nette, accompagne l'émancipation des cultivateurs d'Afrique pour lutter contre la faim et déclare que son bio-fertilisant permettrait à la terre de stocker 10 à 40 tonnes de CO2 de plus par hectare. Que demander de plus ?
A 80 ans, Michel Mézy est en train de voir son nom s’inscrire dans l’histoire de l’écologie, aux côtés de ses inspirateurs, René Dumont et Raoul Lemaire. Entouré de son équipe et son fils, il pourrait presque se retirer, satisfait. Mais celui qui doit tant aux chevaux et à leur fumier ne semble pas vouloir lâcher les rênes.
Dans les années 80, son produit est adopté par ses confrères aveyronnais ; alors en 1992, il finit par lancer sa propre société, Sobac, pour le commercialiser. Aujourd’hui, au moins 15 000 exploitants agricoles se vantent d’utiliser ce biofertilisant et Sobac exporte dans une quinzaine de pays.
L’hymne à l’humus
Non seulement, ces micro-organismes font pousser les végétaux sans abîmer la terre (ce super-compost est d’ailleurs approuvé dans une agriculture bio), mais le biofertilisant aide à fixer le carbone dans le sol, ce qui pourrait donner un coup de pouce (vert) pour « ralentir le réchauffement climatique », comme le dit l’inventeur, en produisant de l’humus qui capte les gaz à effet de serre.
