2023 M02 23
Les matériels d’imagerie médicale de plus en plus sophistiqués et les tests de diagnostic ultraperformants qui détectent des cellules tumorales avant même l’émergence d’un cancer sont en train de bouleverser la lutte contre cette maladie redoutable. L’immunothérapie qui vise à doper les défenses naturelles – c’est le principe de la vaccination – a produit récemment des résultats spectaculaires chez certains patients. Désormais, différents vaccins thérapeutiques qui s’adressent à des malades atteints de cancer pour réduire à néant ou presque le risque de récidive voient le jour partout dans le monde.
Principe du vaccin thérapeutique à base de néo-antigènes
Ce vaccin en cours d’élaboration vise les néo-antigènes, des protéines bien particulières en surface des cellules cancéreuses qui sont spécifiques à chaque cancer et à chaque patient. Le principe consiste à booster le système immunitaire avec de la cellule tumorale inactivée, gavée de néo-antigènes spécialement concoctée pour le malade et sa maladie. Pour se défendre, l’organisme fabrique alors de gros globules blancs qui vont s’attaquer aux cellules cancéreuses, porteuses de ces protéines pour les tuer sur-le-champ, même en cas de récidive.
Des essais en cours très encourageants
Ça, c’est la théorie ! Reste plus qu’à vérifier que c’est efficace et inoffensif. La société de biotechnologie Transgène, l’Institut Curie et l’Oncopole de Toulouse ont lancé des essais sur des patients souffrant de cancers ovariens, anaux et génitaux provoqués par le terrible papillomavirus. Le vaccin concocté par Transgène semble bien fonctionner avec une amélioration du taux de survie. "Tous les patients inclus dans l’essai ont développé une réponse immunitaire robuste, indique dans le magazine Marie-Claire le Docteur Maud Brandely, directrice des affaires médicales de Transgène. Certains cancers des ovaires sont restés stables pendant plus de onze mois".
L’UCPVax, autre piste vaccinale
Développé à l’université de Franche-Comté, l’UCPVax neutralise la télomérase, l’enzyme qui rend les cellules cancéreuses immortelles. Impossible alors pour les tumeurs de se répliquer ad libitum. 80% des patients souffrant d’un cancer du poumon traités avec ce vaccin expérimental ont déclenché une réponse immunitaire satisfaisante, avec une survie améliorée pour la moitié d’entre eux. De son côté, l'école de médecine d’Harvard planche sur un traitement contre le glioblastome, un redoutable cancer du cerveau. Il consiste à utiliser des cellules cancéreuses pour les transformer en juments de Troyes, tueuses de cancer. « Les cellules tumorales vivantes ont la particularité de parcourir de longues distances à travers le cerveau mais finissent par retourner à leur foyer d’origine avec les autres cellules tumorales” expliquent les auteurs dans la revue Science Translational Medicine. Une fois de retour dans leur foyer d’origine, ces cellules modifiées s'attachent à tuer les autres cellules cancéreuses ». Pour l’instant, ça marche sur les souris avec une survie plus importante des animaux et une meilleure immunité à long terme.
Vers des vaccins à ARN messager aussi contre le cancer
L’autre piste sur laquelle travaillent les chercheurs repose sur l’utilisation de l’ARN messager, popularisé par le Covid-19. Le principe : injecter un fragment ARN de cellules cancéreuses, pour forcer la production de la fameuse protéine Spike qui recouvre lesdites cellules. Le système immunitaire les identifierait alors logiquement comme des corps étrangers à détruire avec une armada de globules blancs générés pour l'occasion. Les laboratoires Merck MSD et Moderna sont en train d’évaluer un vaccin contre les mélanomes, un cancer souvent mortel de la peau. Selon des résultats publiés en décembre 2022, il réduirait de 44% les taux de rechute et de mortalité.
Enfin la célèbre start-up BioNTech, qui a mis au point le vaccin anti-Covid Pfizer, développe sa technologie à ARN messager contre certaines tumeurs du sein et de la prostate, entre autres. Dans une interview à la BBC fin 2022, le couple fondateur allemand a annoncé que ses premiers vaccins anti-cancer seront disponibles d’ici 2030.