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Trop souvent, et depuis trop longtemps, le monde de la recherche peine à distinguer les femmes qui font avancer la science. Mais il serait trop facile de réduire Sandra Lavorel à cette seule distinction : depuis le 22 septembre, elle est, certes, la 7e femme (seulement) à être honorée d’une médaille d’or par le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) depuis la création de cette distinction en 1954, mais la Française est surtout une pionnière et une chercheuse indispensable.
La chercheuse et spécialiste de la biodiversité Sandra Lavorel reçoit la médaille d’or du CNRS https://t.co/bQnoLU3HQr
— Libération (@libe) September 21, 2023
Écologue, Sandra Lavorel a analysé l'impact des activités humaines sur les écosystèmes et permis de comprendre les enjeux des interactions entre l’homme et la nature, dans les deux sens.
Meilleur espoir de médaille de la France
Née en 1965 à Lyon, Sandra Lavorel s’est formée par l’institut agronomique Agro Paris-Grignon et a décroché son doctorat à Montpellier en écologie et sciences de l’évolution avant de faire carrière au sein du CNRS pendant 30 ans (qui la distinguera par trois fois en 98, 2013 et 2015) sans oublier d’aller voir le monde de près, notamment en Australie et Nouvelle-Zélande.
En 2013 elle rejoint l’Académie des sciences, est nommée officière de l'Ordre national du Mérite en 2016 et reçoit la légion d’honneur en 2022 après avoir travaillé pour l’IPBES, le “GIEC de la biodiversité” dirigé par l’ONU. C'est sans doute pour le rapport majeur sur les conséquences climatiques qu'elle co-signe en 2021 qui lui vaut les honneurs aujourd'hui. Bref, Sandra Lavorel pèse dans le game de la recherche sur la biodiversité et on peut vous expliquer pourquoi.
L’homme a besoin de la biodiversité (et vice-versa)
Ses travaux ont explicité le fonctionnement des écosystèmes et leur réaction dans un contexte de changement global ; ce qui est en train de se produire avec le réchauffement climatique. Dans les Hautes-Alpes, elle a par exemple installé des mini-serres modulables à 2400 mètres d’altitude pour constater comment les végétaux de haute-montagne (et ceux qui en dépendent) variaient face à l’augmentation des températures.
Pour en arriver là, elle a dû étudier les services que nous rendent ces écosystèmes. Certains vont nous fournir de la nourriture, d’autres des matériaux ou des combustibles. Mais un espace naturel va aussi avoir des effets improductifs comme générer de l’ombre, réduire l’écoulement pluvial, participer à réguler le climat par le stockage du CO2 ou permettre la pollinisation… La liste est sans fin. Enfin, presque… puisqu’elle a aussi constaté que ces dynamiques vertueuses cédaient, s’amenuisaient ou cessaient dès que la biodiversité est malmenée au-delà de son élasticité naturelle.
La visite s'est poursuivie avec Tamara Münkemüller qui nous a parlé d'#AlpagesVolants, de l'observatoire @ObsOrchamp de Wilfried Thuiller et du projet #warm de Sandra Lavorel. 3 projets du LECA qui étudient la réponse des écosystèmes au réchauffement climatique pic.twitter.com/M55UsiDzl9
— Jardin du Lautaret (Lautaret Garden) (@LautaretGarden) July 5, 2023
La conclusion des recherches de Sandra Lavorel ?
Avant même la pollution atmosphérique ou les gaz à effet de serre, ce sont la dégradation des sols et l’exploitation des espèces qui constituent la pire menace pour la biodiversité. Donc l'activité humaine. Or, cela engendre des coûts monstrueux que nos sociétés ne sont pas prêtes à absorber.
Qui va payer les dégâts ?
En mars dernier, une étude estimait que d’ici 2050 le changement climatique pourra générer des dégâts avoisinant les 1000 milliards d’euros rien qu’en Allemagne.
En 2021, pas moins de 220 revues scientifiques (dont The Lancet ou le British Medical Journal) publiaient un éditorial dénonçant les risques du réchauffement climatique sur la santé à travers ses ravages sur la biodiversité. Au programme des calamités à venir : allergies, infections, cancers mais aussi troubles mentaux, graves déshydratations et problèmes de reins. Si nous n'empêchons pas +1,5 °C de réchauffement, la biodiversité transformée serait alors incapable d’endiguer des “conséquences catastrophiques pour la santé qui seront impossibles à inverser”.
La solution ? Sandra Lavorel préconise tout simplement de restaurer la nature et réduire rapidement toutes les pressions sur la biodiversité ; celles de l’artificialisation, de la surpêche, l’agriculture intensive etc. Rien de neuf direz-vous ? Normal, on sait déjà tout cela… grâce à Sandra Lavorel.
Crédits photo de Une : Esperanza21 / Youtube