Mieux vieillir ensemble, c'est le projet des maisons de retraite coopératives

L’habitat collaboratif, on connaît, c’était le credo des communautés hippies des années 60. Mais depuis quelques années, ce concept retrouve une jeunesse… chez les plus de 60 ans. Tour du propriétaire de cet habitat bâti sur la solidarité.
  • Alors que la France peine à réformer son système des retraites, une certitude demeure : les pensions sont faibles et tendent à baisser. En moyenne, la pension des retraités français avoisine 1500 € brut, contre 1642 € en 2013. Pas de chance, le prix médian d’un hébergement en EHPAD atteint quant à lui... 1977 €. Ce qui conduit les seniors à choisir de rester chez eux, au risque de s’enfermer dans l’isolement. A moins que…

    Partout en France, des initiatives s’élèvent pour remplacer des coûts par une solidarité bien ordonnée. Leur mot d’ordre : rester autonomes ensemble. Partager la propriété plutôt que de dépendre des charges d’une collectivité et s’auto-gérer. Le résultat, ce sont ces maisons de retraite coopératives.

    « Hormis le fait qu’on gère l’immeuble ensemble, on reste dans notre vie privée. »

    La solidarité, première pierre de ces maisons

    Le projets prennent des formes très variées, mais le plus représentatif est la coopérative de Chamarel-les Barges, près de Lyon. Ces pionniers se sont lancés en 2014. Deux années et demi de travaux plus tard, cet immeuble de 4 étages compte 18 appartements T2 ou T3 tout équipés et des espaces partagés dont une buanderie, un garage à vélo, et même des chambres pour recevoir des invités. Et surtout des couloirs aménagés comme des pièces à part entière par chaque étage. Tous les habitants ont 60 ans minimum et se sentent avant tout libres. Pas question de s’enfermer. : « Notre idée, explique l’une d’eux à BastaMag, c’est de rester très ancrés dans la vie et d’aller chercher à l’extérieur ce qu’on n’a pas ici »

    Même esprit chez les Boboyakas, en banlieue de Bordeaux. Ces retraités ont fait bâtir un immeuble d’une vingtaine logements à Bègles. Autant de vigoureux seniors qui se sont associés pour créer « un lieu de vie à taille humaine, ouvert sur le monde ». Avec pour vocation d’offrir « des logements à prix coûtant, économes en énergie, respectueux de l’environnement » favorisant la convivialité. Bref, être bien chez soi dans un bien sain. Mais on le voit, dans ces projets de vie, l’engagement moral est aussi important que le logement.

    Retraités mais sûrement pas inactifs : les coopératives portent haut leurs valeurs. Par le biais d’une charte écrite ou le choix des recrues, comme pour la coopérative de retraitées féministe des Babayagas fondée en 2013 à Montreuil. Les constructions sont souvent éco-responsables (mur isolés en paille ici, panneaux photovoltaïques là…) mais cet vent de liberté dépasse les murs : on trouve un projet de retraite coopérative vegan à Grenoble, chrétien à Montauban et même une audacieuse maison LGBT+.

    Alors, comment lancer sa maison coopérative ?

    Les projets sont variés mais la majorité propose de remplacer la location des studios par une propriété mutualisée. En pratique, chacun participe financièrement à l’acquisition (terrain et immeuble) ou aux travaux de construction. Une fois acquis le prêt bancaire, l’apport est transformé en parts sociales que chaque propriétaire peut récupérer intégralement s’il quitte la coopérative (de plein gré ou à son décès). Une fois le lieu érigé, le traditionnel loyer mensuel est remplacé par une redevance couvrant les charges et le prêt de la collectivité. A Chamarel-les-Barges la part sociale était de 30 000 € et la redevance va 600 à 800 €. Et justement l'Etat a créé de nouvelles aides à la vie en habitat partagé :

    Une fois dans le logement, commence une grande aventure humaine. Les résidents se partageant certaines tâches (entretien, jardinage, accueil, administratif…) mais aussi et surtout la gouvernance du lieu. Les « Barges » de Lyon décident tout en assemblée générale hebdomadaire, au consensus. Une personne, une voix. Cela peut batailler ou durer, mais cela fait parti intrinsèquement du lieu, et de sa vie en coppérative. Car tâches et débats gardent l’esprit vif et le corps actif.

    Bien sûr aucune utopie n’est parfaite. Les travaux peuvent prendre des années et les listes d’attentes s’allongent pour ces lieux partagés. Il faut donc s’y prendre assez tôt et ne pas attendre qu’un épisode médical vous rende dépendant. Le coût du projet peut aussi faire peur a priori, mais chaque mois est bien plus économique. Au bout du compte ces projets garantissent de vieillir mieux. Ce n’est pas une vue de l’esprit : les personnes âgées perdent moins rapidement leur autonomie que ceux vivant en EHPAD et leur état mental est moins fragile, selon le ministère de la Santé. Et puis au prochainement confinement, ce sera agréable de compter sur un voisin qui a votre âge et connaît vos habitudes de vie, non ?

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