Pourquoi il faut absolument aller à Pop&Psy, le festival sur la santé mentale

Jean-Victor Blanc est médecin psychiatre et co-fondateur du festival Pop&Psy, le premier festival pop sur la santé mentale en France. La deuxième édition aura lieu du 24 au 26 novembre à Paris. Un événement qui vise à briser les tabous et à mieux mettre en lumière les difficultés des personnes touchées par ces troubles tout en proposant des solutions concrètes. Interview
  • Un milliard de personnes sont concernées par des troubles psychiques : la santé mentale, est-ce encore un tabou en 2023 ?

    Jean-Victor Blanc : Oui, c'est encore un tabou. Même si on en parle de plus en plus et dans plein de registres, et qu'on observe un effet d'accélération depuis le Covid, ça reste difficile d'en parler. Pour la plupart des patients que je suis à l'hôpital, c'est impossible de parler de troubles psychiques dont ils sont atteints et des soins dans leur environnement professionnel, parfois même dans l'environnement familial ou amical.
    Ça évolue dans le bon sens, mais il ne faut pas se dire non plus que c'est génial et que tout le monde peut parler ouvertement de son trouble. Quelqu'un qui a été hospitalisé dans un service psychiatre, en général, il le cache. Ça reste donc un tabou et avec Pop&Psy, j'essaie de changer ça. 

    « Le sujet passionne beaucoup de personnes mais, malheureusement, on a du mal à recruter et à trouver des personnes qui s'engagent professionnellement dans ce secteur. »

    Quelles sont les actions que tu mènes pour opérer ce changement ?

    J'ai commencé avec des conférences et puis des livres (Pop & Psy ; Addicts) et aujourd'hui le ciné-club au Brady (10e arrondissement de Paris) où chaque mois on diffuse un film et où on parle du sujet de la santé mentale - et bien sûr avec le festival. 
    L'idée, à chaque fois, c'est d'amener le sujet de la santé mentale dans un lieu différent (cinémas, palais de Tokyo, Ground Control) et à un public différent. Parler de films, de séries ou de cinéma, ça permet de toucher un public qui n'est pas le même qu'à une conférence à l'hôpital par exemple. L'idée, c'est aussi de mêler le registre scientifique avec des éléments plus accessibles.

    Comment jongles-tu entre l'aspect médical de la santé mentale et le côté pop, deux domaines qui semblent aux antipodes ?

    Toutes ces choses, je les fais à côté de mon métier de médecin psychiatre. On parle de santé mentale avec la pop culture (films, séries, etc.) et en même temps, on parle de pathologies, de dépression et d'addictions. On s'appuie sur des références culturelles pour finalement avoir un point de vue qui reste médical et scientifique. On peut donc passer de choses qui peuvent paraître anecdotiques, comme Britney Spears sous tutelle à Hollywood, au sujet de la tutelle en France : qui ça concerne, on l'utilise encore, quels sont les enjeux ? C'est une articulation entre le sujet pop et la santé mentale et ça devient un outil de pédagogie pour le grand public, mais aussi d'enseignement pour les étudiants en médecine.

    Le festival répond à quelles demandes, et à quels besoins ?

    Il répond à un grand intérêt pour la santé mentale, même s'il y a toujours eu une fascination autour de ce sujet. Ce qu'il y a de nouveau aujourd'hui, ce sont des phénomènes identitaires et communautaires, en lien avec les réseaux sociaux, qui ont permis à des personnes d'en parler ouvertement à visage découvert. Ils parlent des troubles mais aussi des traitements, et ça, c’est nouveau.

    C'est un public plutôt jeune ?

    Il est varié. Il y a des personnes concernées par un trouble, mais aussi des professionnels, des étudiants en formation ou des amoureux de cinéma. On souhaite créer des rencontres autour de ce sujet, car le moyen le plus efficace pour diminuer les tabous et la stigmatisation, c'est quand on rencontre d'autres individus concernés par tel ou tel trouble. Ça balaie aussi les préjugés qu'on peut avoir. On essaie également d'avoir une vision optimiste des troubles afin de favoriser l'accès aux soins.

    Quelles seront les grandes thématiques de cette deuxième édition ?

    Il y a une thématique sur le coup mental du racisme, une autre sur les troubles du comportement alimentaire, sur de la santé mentale de la Gen Z, sur l'addiction mais aussi la sobriété (en France on doit souvent se justifier de ne pas consommer d'alcool par exemple, ce qui peut être lourd à porter), sur la santé mentale des hommes et de masculinité toxique... 

    On est en retard, en France, sur le sujet de la santé mentale ?

    On est en retard vis à vis des États-Unis, du Canada ou du Royaume-Uni qui ont donné une visibilité au sujet depuis plus longtemps. On peut l'expliquer par l'art du storytelling qui est typiquement américain et avec lequel on est moins à l'aise. Et puis les questions identitaires, de genres, de personnes racisées, etc, viennent souvent des États-Unis et arrivent en France par la suite. 

    Est-ce qu'il y aura des nouveautés lors de cette édition 2023 ?

    Oui, il va y avoir un temps forts au « village des solutions ». On va organiser un « apéro des vocations » pour mettre en lumière les métiers en lien avec la santé mentale. Le sujet passionne beaucoup de personnes mais, malheureusement, on a du mal à recruter et à trouver des personnes qui s'engagent professionnellement dans ce secteur. La plupart des services en psychiatrie manquent de personnel. On a aussi mis en ligne toutes les conférences de l'année dernière et celle de cette année seront en ligne très rapidement après le festival pour fournir des ressources aux internautes.

    Une fois qu’on aura brisé le tabou, quelles seront les grands chantiers pour mieux soigner et traiter celles et ceux qui souffrent de troubles psychiques ?

    Il faut accélérer la recherche : ce sont des maladies qu'on comprend mieux, mais dont on cerne pas toujours la globalité. On espère pouvoir détecter plus tôt, à l'aide de prise de sang ou d'imagerie, certaines pathologies. Même son de cloche au niveau des traitements. Il faudra aussi une nouvelle génération de professionnels prête à s'engager dans le secteur. Et vu l'augmentation des troubles psychiques, c'est un véritable enjeu.

    Plus d'infos par ici sur le site du festival.
    Photos : @Florent Vanoni

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