2022 M09 12
Dire d'une militante qu'elle est « discrète », alors même que de nombreuses personnalités semblent vouloir la faire taire, peut paraître étonnant... Pourtant, Nguy Thi Khan a choisi de s'effacer, pour que ne rayonne que le combat qu'elle défend : la fin de l'usage du charbon au Vietnam.
Une héroïne déterminée
D'ailleurs, vous (comme beaucoup de ses compatriotes) n'avez sans doute jamais entendu parler d'elle. Pourtant, dans le cercle des défenseurs.euses acharné.e.s de l'environnement, Nguy Thi Khanh est une héroïne. En 2019, elle a même été élue par Apolitical parmi les 100 personnes les plus influentes dans la lutte contre le changement climatique.
Un an plus tôt, cette quadragénaire vietnamienne diplômée de l’Académie diplomatique, a reçu le prix Goldman (l'équivalent du Nobel) pour l'environnement. Pourquoi ? Déjà parce pour avoir fondé, en 2011, le Green innovation and development center (GreenID). Cette association, comme on peut le lire sur son site, s’est donnée pour mission :
« de promouvoir, aux habitant.e.s du Vietnam et des régions de l’Asie du Sud-Est, un développement durable basé sur des technologies et des méthodes vertes et innovantes, ainsi qu’une meilleure gestion de l’environnement et des ressources naturelles. »
L'activiste écologique a également fondé Vietnam Sustainable Energy Alliance, un réseau de 11 organisations qui luttent ensemble pour l'environnement. Mais surtout, le jury du prix Goldman a tenu à saluer les recherches de Khanh et ses équipes sur les dangers du charbon et la nécessité de le remplacer par des énergies renouvelables.
Stop au charbon
Car l'objectif premier de l'activiste, il est là : que le Vietnam se débarrasse du charbon. Il faut dire que dans ce pays en plein essor, le secteur de l'énergie est en fusion ! La consommation de charbon du pays a augmenté de 193 % entre 2008 et 2018. Et justement, Nguy Thi Khanh a grandi (dans les années 70/80) dans le district de Yên Dung, juste à côté de la centrale thermoélectrique de Pha Lai.
La militante a vu de nombreux membres de sa communauté développer des maladies liées aux extractions de charbon, qui pollue l'air ambiant. Une pollution qu'on retrouve à Hanoï, la capitale du pays, encerclée par 20 centrales électriques à charbon.
Un gouvernement prêt à changer... Ou pas ?
En 2015, la militante prévient son gouvernement avec un rapport : s'il maintient ses projets énergétiques pour l'horizon 2020-2030, quelque 20 000 personnes mourront prématurément, chaque année, à cause de la pollution. Des chiffres qui ont fait mouche, puisqu'en 2016, le gouvernement a décidé de revoir ses plans de développement des centrales à charbon.
L'histoire pourrait s'arrêter là et bien finir... Sauf que le 17 juin dernier, le New York Times a révélé l'arrestation de la militante. Nguy Thi Khanh a été condamnée à deux ans de prison pour « évasion fiscale ». Une punition, selon ses soutiens, qui accuse le gouvernement de vouloir faire taire les activistes du pays. En janvier, deux militant.e.s écologique, Dang Dinh Bach et Mai Phan Loi, ont également été condamné.e.s, à cinq et quatre ans de prison pour... tiens tiens... évasion fiscale.
« On est inquiets de ce que cela signifie pour le futur et la réussite des ambitions énergétiques supposées du Vietnam », a déclaré Michael Sutton, le directeur de la fondation Goldman.
Le premier ministre vietnamien tiendra-t-il sa promesse faite lors de la Conférence de Glasgow en 2021 ? A l'époque, il affirmait alors vouloir sortir son pays du charbon d'ici à 2040.