Saray Khumalo, première femme noire à gravir l’Everest

Le 11 décembre est la Journée internationale de la montagne. L’occasion de rappeler que la montagne ne « gagne » pas toutes les couleurs de peau. Mais la Sud-africaine Saray Khumalo, première alpiniste noire à atteindre l’Everest, veut apporter de la diversité vers les cimes.
  • « Sky is the limit » (trad. Tout est possible), répétait la mère de Saray Khumalo quand elle était petite. Elle a donc grandi avec la détermination chevillée au corps. Son courage et sa ténacité la mènent au poste de cadre dans la finance et les assurances à Johannesburg. Une réussite professionnelle qui masque une crise existentielle au début des années 2010. Une amie lui propose alors, en 2012, de gravir le Kilimandjaro en Tanzanie.

    Cette expédition change sa vie. Au cours du trek, de l’argent est récolté pour construire une aire de jeu en faveur des enfants pauvres des rues. Lors de l’inauguration, une fillette s’étonne : « Les gens comme vous ne font pas ce genre de chose. » Sous-entendant : Les noirs ne grimpent pas les montagnes. Saray Khumalo se souvient de sa réaction :

    « J’ai décidé que je ne pouvais plus vivre dans un monde où nous étions limitées, pire : où nous nous limitions nous-mêmes à cause de la couleur de notre peau. J’ai deux fils. J’avais besoin de leur léguer un monde meilleur. »

    L’Everest dans le viseur

    Saray Khumalo se prend alors de passion pour l’alpinisme, espérant décrocher un jour le Graal de la discipline : l’Everest. Sa couleur de peau joue contre elle, puisque sur les 9000 alpinistes parvenus au sommet du Toit du monde seulement une dizaine sont noirs.

    Les trois premières tentatives se terminent sur un échec : en 2014, est stoppée par une avalanche qui tue sept sherpas. L’année suivante, l’ascension est avortée par le gigantesque séisme qui secoue le Népal. La troisième tentative, en 2017, manque de lui être fatale : elle perd connaissance à moins de 100 mètres du sommet et frôle la mort. Bilan : deux doigts de la main droite et deux phalanges de la main gauche amputés à cause des engelures.

    Une alpiniste face au racisme

    L’Everest se paie : entre 30 000 et 140 000 euro l’expédition. Saray Khumalo peut compter sur son salaire de cadre pour financer ses coûteuses ascensions, mais le racisme dans le milieu de l’alpinisme la prive d’aides :

    « En 2019, le gouvernement sud-africain a envisagé de me parrainer. Mais le club alpin, dont j’étais membre, lui a conseillé de ne pas le faire, en disant que l’Everest n’était pas un site d’escalade. Pourtant, le club a financé, cette année, une expédition au K2, au Pakistan. Que des hommes blancs. »

    Finalement, la même année, elle atteint le sommet de l’Everest, devenant la première femme noire à réussir l’exploit. Fini ce « syndrome de l’imposteur » qui l’avait fait marcher trop vite lors de la première tentative, provoquant un « mal d’altitude ».

    Plus de diversité aux sommets

    Plutôt que de faire de ses ascensions une simple prouesse sportive, Saray Khumalo veut leur donner du sens en créant sa fondation Summits With a Purpose (trad. Sommets avec un but), récoltant des fonds destinés à des projets d’éducation. 13 bibliothèques dans des quartiers pauvres ont ainsi été construites. Saray Khumalo demeure consciente de son rôle de première de cordée :

    « Je ne grimpe pas pour moi, mais pour chaque enfant noir d’Afrique du Sud. »

    Aussi, elle œuvre pour ouvrir un peu plus la haute montagne aux femmes racisées. Elle a accompagné, en août 2022, 19 femmes (noires et blanches) en haut du Kilimandjaro et elle a financé la formation de 3 trois femmes zouloues pour devenir guide dans la chaîne du Drakensberg, en Afrique du sud.

    L’aventure sportive de Saray Khumalo est loin d’être terminée puisqu’elle s’est lancée dans le « Grand Chelem des explorateurs » : atteindre les deux pôles et gravir les 7 sommets les plus hauts du monde. La Sud-africaine a déjà atteint l’un des deux pôles et il ne lui reste plus que 2 sommets. Seuls 70 aventuriers et 1 aventurière (blanche) appartiennent à ce club très select. Une nouvelle fois, Saray Khumalo sera la première femme noire à réussir cette prouesse.