ville sans pub

Ces villes françaises qui ont dit non à la pub pour moins polluer

La tendance progresse depuis 10 ans : Grenoble, Bordeaux, Nantes… demain Paris ? Depuis que ces villes ont décollé les affiches, elles font de lourdes économies d'énergie. Une urgence qui a un coût tout aussi lourd.
  • A Nantes, l’année a commencé outils à la main. En quinze jours, la métropole a fait démonter 120 panneaux de pub à l’entreprise JC Decaux, leader du marché en France, qui les a récupérés. Sacré boulot mais ce n’est que le début : d’ici mi 2024, la métropole espère bien en avoir retiré un millier.

    Mais les enlever ne suffit pas : elle a également voté l’interdiction de toute publicité sur 70 % de son territoire. Pour en arriver là, il a fallu modifier le règlement local de publicité et renégocier les contrats de concession en cours. Ce qui a un coût...

    Le manque à gagner en revenus publicitaires à Nantes avoisinerait les 3,5 millions d’euros par an. Les bonnes années, la ville empochait même jusqu’à 11 millions d’euros. Alors quelle mouche les a piqué ? Pour l’adjoint au maire, Thomas Quéro, réduire le nombre de supports va « améliorer le paysage, offrir des vues dégagées, notamment dans le centre ville historique ». mais aussi « penser au climat et diminuer la consommation énergétique ».

    Réduire le gaspillage d'énergie

    Pendant que vous regardez l'affiche, vous ne voyez pas que les panneaux publicitaires sont majoritairement illuminés. Que ce soit par des petits projecteurs (panneaux 4 par 3) ou par des tubes au néon (abri de bus et "sucettes") qui restent allumés sur de très longues plages horaires – voire en permanence... Les panneaux publicitaires ont donc des consommations énergétiques importantes et dispensables.

    Selon une étude (certes, à charge) menée par l'association Résistance à l'Agression Publicitaire en 2017, les supports de pub consommeraient environ 2 TWh par an. La consommation d'électricité annuelle de 800 000 foyers en France. Sans parler des écrans vidéo qui remplacent souvent les panneaux dans les lieux de transits (mall, métros, aéroports…). L'ADEME a évalué qu’un panneau de 2 m² consommait 2047 kWh par an, à condition d'être coupé 6 heures de nuit. L'équivalent de la consommation annuelle d'un foyer... pour un seul écran.

    Or, des écrans de pub, l’agence pour l'énergie en dénombrait 55 000 il y a déjà 3 ans. Sachant que 14% seulement de l'énergie qui les alimente provient aujourd'hui de sources renouvelables, cela signifie que 86% des kilowattheures consommés étaient d'origine fossile. Un joli coup de projo pour le CO2.

    Un courant parti du Brésil

    Pionnière, la ville de São Paulo au Brésil a supprimé toute publicité en 2007 ; en 2011, 70 % des habitants se déclaraient satisfaits. De son côté la ville considère qu’elle a économisé environ 700 millions de kWh d'électricité par an, ce qui équivaut à la consommation annuelle d'électricité de 1,7 million de foyers.

    Même la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a décrété la coupure des publicités lumineuses de nuit (entre 1h et 6h) lorsque le gouvernement a mis en plus son plan de sobriété pour éviter les délestages cet hiver.

    En France, c’est Grenoble qui a montré l’exemple en retirant ses panneaux de pub en 2014. Selon la mairie, cette action a permis une réduction de 50 tonnes de CO2 par an et permis de remettre des espaces verts et des projets d’art urbain à la place. Rennes a suivi en 2017 puis Bordeaux en 2019. Paris réduit ses supports depuis 2011 et ajoute des règles, interdisant, par exemple, la publicité à proximité des écoles.

    Villes en désintox

    La publicité est source d’une autre pollution : la lumière qui peut perturber les écosystèmes nocturnes et les cycles de sommeil humains. Les militants anti-pubs, tels Extinction Rebellion, pointent aussi les dérives consuméristes de la publicité, incitant à l’achat de produits dont on se serait passé, ce qui génère une empreinte carbone (production, transport, destruction). Pas étonnant que la Convention Citoyenne pour le Climat de 2020 ait réclamé sa suppression...

    La tendance ne supprime toutefois pas la publicité elle-même. Il reste des affiches dans tous les arrêts de tram de Grenoble puisqu’ils appartiennent à la métropole et non la mairie. Sans oublier que la publicité se déplace de plus en plus sur le web. On aura d’ailleurs toujours besoin de communiquer, comme ce fut le cas pendant la crise du Covid. La tendance actuelle oblige simplement les afficheurs à trouver de nouveaux supports plus sobre et des stratégies plus respectueuses de l’espace public pour toucher leur cible.

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