éradiquer moustiques

Envie de tuer tous les moustiques ? Voici pourquoi il ne vaut mieux pas

Même s’ils gâchent les étés et sont vecteurs de maladies, ces insectes font partie de la grande chaîne de la biodiversité et nous avons autant besoin des moustiques qu’eux… de votre sang.
  • Comme dans un film d’horreur. La nuit est douce, vous dormez sans draps et peu vêtu pour profiter de la brise qui entre par la fenêtre ouverte quand le monstre suceur de sang s’approche sans être vu. Vous ne le remarquez qu’au dernier moment, quand le bruit infime que font ses ailes en vibrant s'approche de vos oreilles...

    Quand vous abattez votre main d’une claque sonnante, c’est trop tard : le moustique a piqué et vous savez déjà que vous allez passer la nuit à vous gratter. Ce cauchemar qui revient chaque été vous a peut être déjà donné envie de tuer tous les moustiques de la Terre. D'autres y ont pensé, car la démangeaison et l’insomnie ne sont rien comparées à ce que doivent supporter d’autres pays.

    Ennemi pudique n°1

    Vous n’en voyez qu’un mais il existe environ 3500 espèces de moustiques sur la planète dont une centaine seulement piquent. Et encore, seules les femelles prélèvent votre sang. Malgré ces restrictions, certains moustiques sont porteurs de terribles maladies infectieuses comme le virus Zika, le chikungunya, la dengue (390 millions infections par an dans le monde) et le paludisme (ou "malaria", 400 000 décès chaque année).

    Longtemps, ces maladies ont été limitées aux zones tropicales et subtropicales mais le réchauffement climatique et la mondialisation des échanges ont ramené ces insectes vecteurs en Europe. C’est bien simple, le moustique est reconnu comme le premier prédateur de l’Homme par l'OMS.

    Ce qui en fait un sujet majeur de santé publique et a amené plusieurs scientifiques et gouvernements à proposer l’éradication des espèces concernées pour stopper les décès et infections qui coûtent énormément aux différents gouvernements.

    Apocalypse mosquito

    La tribune d'une biologiste dans le New York Times en 2003 avait fait des vagues en proposant de balayer de la surface de la Terre 30 espèces de moustiques, « comme pour les dodos ». Ce qui la motivait : permettre d’épargner la vie d’approximativement 1 million d’êtres humains, principalement des enfants en Afrique. Mais au fait, comment tuer uniquement les méchants ?

    Il y a un demi-siècle, des campagnes massives d’épandages d’insecticide DDT ont eu des effets désastreux, favorisant des cancers du foie et du sein sur les populations voisines, alors que les insectes visés développèrent des résistances au produit… Depuis, on envisage plutôt des modifications génétiques pour stériliser les femelles, ou d’infecter des mâles avec des bactéries qu’ils répandront localement, comme on l’a expérimenté en Nouvelle-Calédonie par exemple.

    C’est ainsi qu’on s’attaque aux foyers de moustiques tigre chez nous. Des solutions coûteuses, pas toujours efficaces, et pas forcément souhaitables au niveau écologique. Car les moustiques, on en a besoin.

    Pas le même maillot, mais la même passion

    Si sa femelle chasse votre sang pour fournir des protéines à ses œufs, cet insecte ne se nourrit que de nectar de fleurs, emportant avec lui des pollens indispensables à la reproduction des espèces végétales. Certes, les spécialistes considèrent cet apport à la pollinisation minime, mais la disparition inexorable des abeilles dans ce rôle fait qu’on ne peut se passer entièrement de quiconque contribue à cette indispensable mission.

    Les moustiques forment aussi un des maillons de ce qu’on appelle le cycle de l’azote, une suite de transformations chimiques connue permettant à la nature de fabriquer des protéines. Au cours de sa vie larvaire, le "bébé" moustique mange des bactéries présentes dans les eaux, ce qui est l'une de ces étapes biogéochimiques.

    Enfin, cet insecte fait tout simplement partie d’une chaîne alimentaire et sa suppression pourrait dérégler la biodiversité d’un éco-système, en poussant des poissons ou oiseaux à migrer ou des batraciens à se nourrir de plus de libellules par exemple.

    Rien ne dit de plus que leur éradication nous serait profitable : qui sait quel parasite remplacerait ce souci mineur sous nos latitudes... Alors mieux vaut apprendre à développer des pièges localisés, s’enduire de répulsif citronné et prendre son mal en patience.

    Crédit photo de une : JJ Harrison (cc)

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