2021 M03 11
Il faut 20 ans au moins pour qu’un arbre soit assez grand et touffu pour fournir le bois dont l’industrie forestière a besoin. Ce qui veut dire qu’une fois coupé, il faudra replanter et attendre deux décennies avant d’avoir la même quantité de bois. Or la consommation actuelle consomme sans cesse plus de bois, obligeant à se tourner sans attendre vers de nouvelles forêts. Un schéma qui n’est pas sans rappeler l’industrie bovine et justement, des chercheurs américains ont eu envie d’imiter une innovation très en vogue : la viande de synthèse produite en laboratoire. Attention, c'est là que ça envoie du bois.
« Pourquoi faire pousser un arbre ? Un jour, on pourra faire pousser une table en laboratoire. »
Des scientifiques du célèbre MIT ont recréé du bois. Pas un arbre, non ; du bois. Ils ont d’abord extrait des cellules des feuilles d’un plant de Zinnia, plante très facile à cultiver et qui nécessite peu d’entretien. Ils ont « cultivé » ces cellules dans des bacs de croissance – sans soleil, ni terre, dans un milieu aqueux – en boostant leur production de lignine, pour obtenir un nouveau matériaux végétal assez résistant.
Les blouses blanches ont contrôlé la croissance de leur bois de synthèse en agissant sur des phytohormones. Ainsi, ils ont pu faire « pousser » du bois qui n’a pas la forme d’une branche mais d’un objet. Car comme le décrit M. Velásquez-García qui a participé à cette expérience : « En un sens, les cellules végétales sont similaires aux cellules souches, elles peuvent se transformer en n'importe quoi si on les y contraint ». Il ne restait plus qu’à donner un sens à cette production : les chercheurs ont introduit ce matériaux dans une imprimante 3D pour créer un objet simple, un cadre carré. Car arrivé à ce stade, quel aurait été l’intérêt de faire des troncs qu’il aurait encore fallu scier, façonner etc ? Comme le résume M. Velásquez-García :« un jour, nous pourrions faire directement pousser une table en laboratoire ». Cette méthode permet donc d’obtenir directement des planches, un pied, un bloc…
Auprès de mon arbre, je vivais heureux
Les avantages sont nombreux : à commencer par la suppression des tâches de transformation (énergivores) intermédiaires. Plus besoin de scierie, donc aucune ressource perdue en sciure ou en bio-déchets. Une économie d’eau et d’entretien pour l’industrie forestière et toute ressource épargnée est un bienfait pour la planète. Comme l’a déclaré la docteur Ashley Beckwith pour expliquer le point de départ de ces recherches : « je voulais rendre à ces terres et ressources un usage plus efficace, afin de laisser plus de zones arables à l'état sauvage ». On pense d’emblée à la séquestration et régulation de nos émissions carbonées. Sans compter que, ne plus toucher les forêts soulage la biodiversité puisque l’industrie forestière tend à faire fuir les animaux.
Mais tout n’est pas rose au pays du grand poumon vert : cette expérience a nécessité près de 2 ans pour obtenir un faible volume de bois. Cela reste dix fois moins qu’un arbre mais il a aussi fallu beaucoup de chauffage et de personnel pour s’occuper de ces bacs de croissance. Le procédé pourrait être industrialisé et gagner en rendement, mais il faudra pour cela que l’industrie accepte d’endosser le coût de ce changement. Pas gagné car le système en place est très rentable… Enfin, si l’on omet l'environnement.
En 10 ans, la Terre a perdu 100 millions d’hectares de forêt selon la FAO (agence dédiée de l’ONU). Le reboisement est à la mode, mais uniquement en Europe et quelques pays d’Asie et est globalement insuffisant pour l’équilibre de la planète. Que celles et ceux qui sont prêts à payer plus cher leur bibliothèque lèvent la main.