Jusqu'à quel âge l'homme du futur pourra-t-il vivre ?

Transhumanisme, médecine, algorithmes... De nombreuses inventions ayant jalonné le siècle dernier sont considérées comme des technologies servant le projet d'immortalité, car elles remplacent notre cerveau ou nos muscles. Mais cette course à l'éternité devrait tout de même se heurter à un mur physiologique. Explications.

Au centre de l’actualité en ce moment à cause la pandémie Covid-19, les vaccins figurent, par essence, un moyen de vivre plus vieux en évitant une batterie de maladies qui auraient tendance à vouloir nous ramener à l’âge de pierre en termes d’espérance de vie. Indirectement, ils nous font "vivre plus longtemps", en offrant notamment à des générations entières la possibilité de combattre un destin cruel fomenté par Dame Nature.

Les vaccins font-ils partie du transhumanisme, ce mouvement culturel et intellectuel "prônant l'usage des sciences et des techniques afin d'améliorer la condition humaine par l'augmentation des capacités physiques et mentales des êtres humains et de supprimer le vieillissement et la mort" ? À première vue, oui, cette définition officielle les englobe.

Cependant, ils sont loin d’être la seule "course contre la mort" que l’humanité a entamée afin de s’arracher à sa condition de mortels périssables. Si les fictions nous ont nourris, voire élevés, à coups d’histoires futuristes (considérées alors comme de la science-fiction), elles se sont souvent avérées être de puissants coups de projecteurs sur un présent en pleine transformation. L’une des nouvelles expressions à la mode sur les réseaux sociaux n’est-elle pas "On dirait un épisode de Black Mirror" à chaque fait divers évoquant la technologie (en référence à la fameuse série britannique d'anticipation) ?

Transhumanisme, progrès de la médecine, prothèses, vaccins, puces… jusqu’où l’être humain compte-t-il aller pour ne jamais disparaître ?

Notre cerveau déjà remplacé par des algorithmes et des puces surpuissantes

Selon Francis Fukuyama, chercheur en sciences politiques américain connu pour ses thèses autour de la "fin de l’Histoire" (une théorie élaborée par Hegel dès le 19e siècle), les transhumanistes veulent atteindre leur but en se délestant des contraintes biologiques qui pèsent sur nous, c’est-à-dire, peu ou prou la trinité "maladies, vieillissement et mort".

Ainsi, de nombreuses inventions qui ont jalonné ce siècle et le précédent peuvent être considérées comme des technologies transhumanistes. Bien sûr, on pense tout de suite aux médicaments, aux savoir-faire de professionnels de santé prompts à sauver nos vies ou à l'évolution de la psychanalyse. Toutefois, le smartphone fait également partie de cette vague de progrès : pas simplement parce qu’il est désormais quasiment greffé à nos mains et "fait corps" avec nous, mais parce que son utilisation quotidienne et intense a amélioré l'existence (et donc sauvé) de nombreuses personnes.

Eux et leurs grands cousins les ordinateurs ont, entre autres exemples, remplacé notre cerveau dans plus de circonstances qu’il nous est permis d’imaginer, le laissant se reposer dès qu'il en a l'occasion. Ils ne sont pas, à proprement, des objets d’immortalité, mais plutôt "d’amortalité", selon les scientifiques. Si le smartphone n’est pas encore en liaison directe avec notre cerveau, il permet d’effectuer des tâches sans avoir besoin de nous servir de nos muscles.

Santé contre liberté ?

Un concept déjà développé dans la technologie des prothèses, qui ont fait un bond en avant ces dix dernières années. De plus en plus de personnes paralysées, amputées, malentendantes ou malvoyantes sont à même de retrouver leur autonomie perdue à l’aide d’outils mécaniques, souvent reliés à leur cerveau. Imaginer ces mêmes personnes handicapées il y a cent ans, ainsi que leur espérance de vie et leur probable incapacité à s’intégrer dans la société d’autrefois, donne une bonne idée non seulement des cas pratiques, mais aussi de la philosophie progressiste qui sous-tend ces améliorations.

Potentiellement, personne n’est plus laissé sur le bord de la route à cause des caprices de la nature ou du destin. Un changement de paradigme très visible quand on analyse par exemple les sondages sur ce qu’on nomme "l’acharnement thérapeutique". Selon un sondage mené par l’IFOP en mars 2021, 54% des Français ne voient pas de problème à faire l’objet d’un acharnement thérapeutique, même en cas de maladie incurable. La santé est ainsi devenue une notion davantage chérie que la liberté (hypothèse que plusieurs observateurs ont formulée lors de la crise de la Covid).

100, 120, 150, 200 ans d’espérance de vie ?

D’après une étude menée par des chercheurs de l’Université de Rotterdam (Pays-Bas), il existe pourtant un seuil à partir duquel le corps humain sera physiologiquement inapte à survivre. Bien que l’espérance de vie augmente d’année en année dans tous les pays dits "développés", mourir à 200 ans ne sera sans doute jamais possible pour l’Homme, rapport à la structure même de notre enveloppe corporelle.

Selon ladite étude, la durée de vie humaine ne pourra jamais dépasser 115,7 ans pour les femmes et 114,1 ans pour les hommes en moyenne. "Nous vivons plus longtemps, mais les plus âgés parmi nous ne sont pas devenus plus âgés au cours des trente dernières années", résume John Einmahl, chercheur. En d’autres termes, nous aurons le plaisir de rencontrer de plus en plus de centenaires au cours de notre existence, mais ils ne vivront pas plus longtemps avec le temps. On peut imaginer des sociétés où tout le monde atteint la centaine, mais meurt peu après, malgré les progrès de la médecine.

Un mur de mortalité se dressera donc toujours devant eux (et toute l’humanité) après 110 ans et des poussières, malgré les médicaments, les vaccins, les bras bioniques et les puces dans le cerveau. Il y aura bien sûr des exceptions, l’auteur de ces lignes compte par exemple vivre jusqu’à 140 ans, à l’aise, mais la moyenne, seule mesure valable, ne devrait pas augmenter de beaucoup dans les prochaines décennies.

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