Le guide ultime pour survivre (écologiquement) aux fêtes de fin d'année

Pollution, consommation, nourriture, solidarité... Il y a mille façons de "sauver la planète" en changeant ses habitudes. Mais si vous vous y tenez depuis quelque temps, certains membres de votre famille ne comprennent pas toujours la portée des enjeux environnementaux du moment. Voici de quoi les convaincre autour de la table, lors des joutes de fin d'année.

Bien qu'en 2020, les repas de famille risquent de réunir moins de monde que les autres années (c'est même fortement recommandé) et que notre nouveau compagnon de route, le Covid, devrait monopoliser pas mal la conversation (avec son meilleur ennemi : le vaccin), il y a fort à parier que les débats n’en seront pas moins variés et dans l’air du temps, comme d’habitude.

Juste au cas où vos papiers cadeaux en origami recyclé, votre foie gras végétarien garanti sans cruauté animale ou vos dons à des associations pour Noël au lieu de gâter vos neveux vous vaillent des regards inquisiteurs, on vous a préparé le guide du parfait Éclaireur, pour que vous puissiez répondre en toute zénitude aux questions de société et d'environnement les plus pressantes du moment, qu’elles viennent de "papy carnivore", de "tonton voyage en avion", des "cousins fans de fast-fashion" ou de "mamie radine".

On ne fera pas de vous un Aurélien Barrau de l’écologie en quelques conseils dans un article léger, mais dès lors que vous en connaissez un rayon côté conso responsable, nouvelles mobilités douces ou initiatives solidaires, vous devriez sans peine arriver à convaincre même les plus réticents des boomers à rejoindre quelques-unes de vos causes. Suivez le guide.

Pollution : pour contrer l’oncle qui est fier d'utiliser sa voiture tous les jours  

Cette année, il y a de grandes chances que le fameux "tonton raciste", pilier d'une famille traditionnelle française, se mue en "tonton qui a fait Paris-Rennes en avion pour venir et qui prend quotidiennement son 4x4 pour aller à la boulangerie de l’angle de la rue". Le contraste est saisissant avec vous, qui êtes allé en trottinette à votre rendez-vous BlaBlaCar pour vous taper ensuite cinq heures de route près d’un chauffeur pas très recommandable, juste pour sauver la planète. Pas de panique, on prend une bonne respiration et on essaie d’argumenter calmement.

Pas la peine de lui parler de flygskam, la désormais fameuse "honte de prendre l’avion" qui meut les habitudes des Suédois depuis quelque temps : tonton n’a pas l'esprit scandinave et risquerait paradoxalement de vous envoyer ses étagères Billy par la figure... On ne se lancera pas non plus dans le sujet des Gilets Jaunes, dont la taxe sur les carburants avait initialement déclenché l’ire (c’est so 2018). On peut toutefois évoquer la proposition audacieuse du député François Ruffin (sans mentionner son nom, évidemment) d'interdire les vols internes (ils seront finalement taxés) ou menacer subtilement tonton de la pénurie de pétrole (et donc de kérozène) qui guette le globe d’ici 2050.

Parlez-lui de la convivialité de votre ride BlaBlaCar, de la "magie" du train à l’hydrogène, attendrissez-le avec ce Tarn-et-Garonnais qui utilise ses ânes pour ramasser les poubelles des habitants dans les rues trop étroites (#maisondecampagne), ou ce couple de justiciers à vélo qui parcourent la France pour ramasser les masques des pollueurs. Ou, cours de psychologie inversée pour les nuls, dites-lui qu’en Belgique, le permis de conduire est désormais gratuit pour les chômeurs. Cela devrait l’inciter à lâcher sa caisse adorée, ou au moins vous laisser un peu de répit en le laissant partir dans une joute sur les "fainéants qui veulent pas bosser". C'est cadeau.

Vous en profiterez pour lui envoyer en scred sur Messenger un article sur l’écocide, qui devrait lui passer l’envie de faire 12 heures d’avion pour aller tuer des girafes dès que les frontières rouvriront. Lorsque ses enfants, les cousins fans de conso et de fast-fashion, lui demanderont une voiture à leurs 18 ans, vous avez déjà la parade : selon un sondage Kantar, dans l'agglomération parisienne, 11 % seulement des habitants disent ne pas pouvoir se rendre au travail sans leur voiture. Ils n’ont donc pas besoin de moyen de transport individuel tant qu’ils habitent dans la capitale. En plus, soyons honnête, le vélo électrique est LA mode nouvelle mobilité du moment.

« Commencez par leur montrer le sapin badass que mamie s’est fait livrer grâce à vous. »

Conso : à destination des cousins qui changent de garde-robe tous les mois

Parlons-en, des cousins : ils se targuent d’avoir fait tous leurs achats sur Amazon, alors qu’ils habitent dans la rue la plus commerçante de la ville. Ils sont déjà en train de refaire la déco de leur appartement, changée il y a deux mois, pour "suivre les tendances tropicalo-modernes des influenceurs installés à Bali pendant le premier confinement", habillent leurs enfants en fast-fashion fabriquée en Asie dans des conditions douteuses.

Au-delà de la détox numérique dont ils ont visiblement besoin (oui, il y a des solutions, y compris sous la forme inattendue d’applications), montrez-leur que des alternatives existent, et que le Covid est une formidable excuse pour faire une pause, notamment dans les transports de produits importés.

Vous n’êtes pas obligés de dire que "c’était mieux avant", afin de ne pas les braquer, mais au contraire, que "le meilleur est avenir", comme l’annonce, à rebours des discours défaitistes, Mathieu Baudin, directeur de l'Institut des Futurs Souhaitables. Commencez par leur montrer le sapin badass que mamie s’est fait livrer grâce à vous : oui, il est magnifique, et oui c’est un conifère de location, qui repartira à la nature après les fêtes. Le but, éviter que les Français jettent près de cinq millions d’arbres de Noël chaque année (et qu’il n’y en ait plus dès l’année prochaine, ça devrait faire pleurer votre nièce - à qui vous avez évidemment acheté un jouet Mini-mondes - et finir de les convaincre).

À chaque mention d’un grand magasin de chaîne quelconque, vous devez être prêts à hurler "VINTED !" à pleins poumons, voire "Le Bon Coin" ou le nom d'une boutique solidaire de leur quartier, en leur montrant vos derniers achats conscients : chaussures en résidus de vin, collants écoresponsables, tenues de sport en déchets... Pour éviter qu'ils prononcent à votre endroit le mot en "b" interdit (un indice : ça commence par "bo" et finit par "bo"), montrez-leur qu’il existe de nombreux labels environnementaux, dans tous les domaines, y compris en décoration par exemple.

La technique vraiment infaillible, car elle réveille également la fibre patriotique qui sommeille en chacun d’entre nous (peu importe le bord politique et les convictions) est la mention impromptue du "made in France". De la marinière aux jouets, de la basket aux meubles, elle est tout-terrain et vraiment rassembleuse. Cependant, entraînés par votre enthousiasme, ne prononcez surtout pas les mots "Arnaud Montebourg" dans la foulée : divisions garanties.

Nourriture : pour freiner papy qui pense avoir besoin d’un poulet entier à chaque repas pour survivre

Théoriquement, papy et mamie ne devraient même pas être présents cette année. Les faire manger dans la cuisine était apparemment la seule option valable, selon Rémi Salomon, président de la Commission médicale d'établissement de l'APHP. "On coupe la bûche en deux, papy et mamie mangent dans la cuisine et nous dans la salle à manger", avait-il encouragé. Bon, vous ne les avez pas vus de toute l’année, vous ne vouliez pas les laisser seuls pour votre fête préférée, soit. Évitez simplement les longues embrassades et aérez régulièrement les pièces, et tout devrait bien se passer (sous réserve de ne pas avoir fait la fête avec cinquante de vos potes dans les semaines qui ont précédé Noël).

Le Covid n’a cependant pas empêché papy Roger d’être le carnivore sans concession qu’il était avant la crise sanitaire. Foie gras, huitres et tournedos seront arrosés de vin plein de sulfites… Il est temps de mettre le holà et d’intervenir. Puisque l’argument "attention à tes artères" semble ne pas toucher la blanche colombe de 88 ans, commencez par mettre discrètement sur la table du "faux-gras" (en vérifiant au préalable les allergènes, n’allez pas nous tuer quelqu’un juste pour avoir raison et marquer des points) et ressortez triomphant de la dégustation à l’aveugle en brandissant le pot, tout en avouant à la tablée qu’ils viennent de manger un truc végan. Ça devrait décoincer la conversation, en plus de vous valoir des regards confus devant le goût clairement délicieux.

Pas la peine d’employer les grands moyens en montrant en loucedé à papy les vidéos-choc de l'organisation L214, pour appuyer votre argumentaire : la production agricole étant l’une des plus polluantes au monde, il ne sera pas très difficile de mettre en avant le fait que ralentir sa consommation (comme pour une drogue) est déjà très bénéfique. Votre cassoulet sans canard et vos vins bio devraient finir de les séduire. Parlez origine (pour la viande), saisonnalité (concernant les légumes, fruits de mer et poissons), amadouez les réticents en évoquant les fermes citadines qui fleurissent, en permaculture ou non, sur les toits de villes, et qui ont besoin d’un cercle vertueux, c’est-à-dire moins de voiture dans les rues, pour fonctionner.

Montrez-leur ensuite vos applications et sites favoris pour faire des courses zéro-déchet et éviter le gaspillage (La Ruche qui dit oui, Le Drive tout nu, Too Good To Go, Jean Bouteille…) en utilisant ici aussi un biais psychologie : "les sacs, ok ça étouffe les tortues, mais ça encombre surtout la maison et on n’a plus la place de circuler avec toute cette accumulation. Du coup on viendra plus l’année prochaine si ça continue." On plaisante (presque).

L’évocation du premier dîner durant lequel vient d’être servi à quelques jeunes du poulet fabriqué en laboratoire par une start-up californienne (Eat Just) est un pari risqué, mais il aura le mérité de lancer une conversation animée sur les "pauvres oies gavées", les "Américains complètement tarés" et le "goût douteux des tomates d’Espagne" achetées hors-saison. En espérant que vous ayez prévu d’offrir à papy pour Noël le très bon livre de Jonathan Safran Foer, Faut-il manger les animaux ? (commandé dans une librairie indépendante, cela va de soi).

Solidarité : pour inciter mamie à faire des chèques à des assos… mais pas seulement

La première fois que vous avez emmené mamie dans un magasin de jeux tenu par des personnes autistes, elle ne sentait pas très à l’aise. Le pari de Witoa, idée de Carine Mantoulan, docteure en psychologie qui aide les personnes handicapées à s’insérer dans la société par le travail, est pourtant remarquable. Depuis, mamie les a trouvés "très gentils et respectueux", et a fait tous ses cadeaux de Noël là-bas. C’était la plus facile à convaincre : elle a depuis effectué quelques achats sur La Boutique Solidaire, lieu où se retrouvent toutes les grandes ONG françaises pour y vendre des cadeaux responsables et solidaires, au lieu d’acheter des jouets en plastique à la petite dernière. Ultime étape : couvrir toutes les modalités d’une solidarité responsable.

Il ne s’agit pas juste de faire des chèques à des assos : rappelez-vous, vous avez fait Paris-Rennes en covoiturage, vous n’êtes donc pas très loin de l’École alternative des monts d’Arrée, dans le Finistère, où des bénévoles donnent des cours à des migrants nouvellement débarqués en France. Et il existe des centaines d’initiatives similaires dans l’Hexagone, à destination des sans-abri, des jeunes en difficulté, des animaux abandonnés ou des personnes âgées. La colocation intergénérationnelle devrait même lui faire envie, une fois que papy sera en EHPAD (ou transformé en humus).

Dites-lui que vous avez rencontré Raphaël, un gamin de 10 ans qui nettoie la Seine avec ses aimants, qu’elle peut ouvrir un "restaurant" pour les abeilles sur son balcon, ou que des centaines de jeunes même pas majeurs (la génération Greta) est déjà à l’œuvre pour améliorer les conditions de vie sur la planète. Sa foi dans les générations futures devrait sauver la mise. Vous vous êtes fait une alliée, c'est déjà ça. Bonnes fêtes de fin d'année !

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